L’analyse des interactions qui s’établissent entre le tourisme national et le tourisme international au Maroc est riche en enseignements aussi bien pour comprendre la société marocaine d’aujourd’hui que pour imaginer l’espace méditerranéen de demain en cours de reconfiguration.
Autrefois méconnue et ignorée, la demande en tourisme des nationaux est aujourd’hui une réalité que professionnels et responsables essaient à la fois de développer et d’exploiter. Cette évolution révèle aussi des enjeux multiples et parfois contradictoires qui mobilisent des acteurs aux stratégies mouvantes. Jusqu’ici négligé, aussi bien par les décideurs que par les professionnels du tourisme, le tourisme intérieur dont l’existence était et est toujours réelle, a capté l’intérêt des uns et des autres lorsque les fluctuations du marché international sont devenues presque structurelles. Il mobilise de ce fait les différents acteurs (Etat, collectivités locales, touristes, promoteurs immobiliers, professionnels du tourisme) qui mettent en place des actions allant dans le sens de son encouragement et sa consolidation. Mais si l’Etat inscrit ses actions dans la durée, il semblerait que les professionnels de l’hôtellerie n’attachent de l’importance à ce tourisme que lorsqu’ils ont des problèmes de remplissage dans l’immédiat.
Ceci dit, l’habitude des séjours à l’hôtel s’installe progressivement chez le Marocain. Il faudra s’attendre dans un proche avenir à ce que ce client n’accepte plus de jouer le rôle de compensation du tourisme international et devienne plus exigent aussi bien en ce qui concerne le produit que le moyen d’hébergement.
Il serait malvenu aussi de ne retenir de la stratégie définie que l’élément commercialisation des hôtels en ignorant les autres composantes de cette stratégie. Après avoir initié le touriste marocain à utiliser l’hôtel et à passer par l’agence de voyage, il faudra travailler à satisfaire les attentes et besoins de ce touriste potentiel. Il serait, en effet, temps à ce que responsables et surtout professionnels réfléchissent à des formes d’hébergement adéquats répondant aux attentes du touriste marocain et qui ne se réduisent pas au seul hôtel classique. Il serait également judicieux d’imaginer des services spécifiques qui ne soient pas uniquement cette animation importée et légèrement adaptée au goût du Marocain et à cette restauration internationale ou faussement marocaine que proposent les buffets en self-service des hôtels.
Ceci drainera plus de touristes marocains vers les formes d’hébergement qui reçoivent en même temps des touristes étrangers et multipliera les occasions de contacts.
Si cette demande est l’aboutissement d’une évolution socio-culturelle interne de formes de tourisme authentiquement marocaines, elle continue, cependant, à évoluer de nos jours sous l’influence d’apports externes. Mais si les effets du tourisme international ne sont qu’un élément parmi ces apports externes multiples, ces effets interviennent de façon décisive à deux niveaux. Le premier concerne l’appropriation de l’espace du tourisme et des loisirs. Les touristes internationaux contribuent au redéploiement spatial de la demande interne, attirant par endroits les touristes nationaux dans leurs sillages et les refoulant dans d’autres endroits.
La promotion parmi les touristes nationaux de certaines destinations phares qu’ils fréquentent est l’un des effets les plus frappants. Le second niveau renvoie à l’alignement de la commercialisation de ce tourisme sur les standards internationaux : Augmentation de la part de l’hôtel classique comme forme d’hébergement et bientôt passage obligé par l’agence de voyage.